jueves, 28 de abril de 2011

"La Tête de Cristal" de Pierre-Guilhem Lapeze (Mes amis de Marseille)


Extrait : Mes amis de Marseille
  
           Retour à l'aéroport où nous attrapons notre avion de justesse et après un vol sans histoires nous atterrissons dans la cité phocéenne. Nous passons la douane sans problèmes sauf que les gabelous le mettent presque à poil, ce qui est bien normal avec sa dégaine de clown perdu.
         Nous arrivons enfin sur la Canebière et nous prenons un petit hôtel minable. Je lui dis que je n'ai pas l'habitude de résider dans ce genre d'endroit mais il me dit que c'est plus cool. A mon avis c'est exactement le contraire mais bon...
         Il me dit :
         «  Je vais passer deux ou trois coups de téléphone et je reviens ».
         Au bout d'une heure il est de retour presque en larmes, avec un mec à l'allure repoussante qu'il me présente comme étant un grand dealer parisien, ce dont je n'ai rien à foutre. Je les laisse dans la chambre et  vais me balader sur la Canebière.
         Je me mets en route sur la plus célèbre avenue de Marseille histoire de passer le temps et soudain j'entends plusieurs voix hurler «avé l'acen» :
         «  Pierre, Pierre, que fais-tu ici à Marseille, sur le vieux port ? ».
          Je me retourne et vois un groupe d'amis de Formentera, Marc Raphaël et Esméralda, un couple de peintres avec des relents de Modigliani, elle se prostituait pour qu'il puisse peindre... une autre époque..., accompagnés d'une fille à l'air transparent, C... T., qu'ils me présentent comme étant la marraine de leur fille Isis Colombe, deux, trois ans.
         Ils me demandent :
         "Que fais-tu ici ?"
         Je leur explique en deux mots la galère dans laquelle je me trouve, ils rigolent :
         «  Bien sûr, pour les Parisiens il n'y a plus rien mais nous on est d'ici et toi tu n'es pas Parisien, tu es Formenterien et pour toi pas de problèmes, il y a ce que tu veux. Que veux-tu, en fait ? ».
         Je leur réponds :
         « Un kilo pour moi et un pour le copain de Virginie et puis il y en a un autre qui en cherche un, le Parisien. »
         « Comment fait-on ? ».
         Nous nous asseyons à la terrasse du Cintra pour discuter et convenons que je leur passe un coup de fil pour leur dire si ce sont deux ou trois kilos et ils me disent que le mien sera comme pour eux et qu'ils ne me prennent rien mais que pour les deux Parisiens ce sera un peu plus cher et un peu moins bon, tout cela avé l'acen, comme si nous parlions de pommes de terre.
         C... T. me prend à part et me dit :
         «  Sois à vingt heures précises à la station de taxis en face du Cintra et tu attends un taxi bleu. Il sera au courant de tout. N’aie pas peur pour l'argent, c'est ma famille il n'y a pas de problèmes ».
         À tout hasard elle règle sa montre sur la mienne, me dit « à demain » et me souffle un baiser...
         À l'heure dite je me rends à la station de taxi, un peu en avance comme à mon habitude et j'attends avec trente mille francs dans ma poche.
         Ah!  Mais je ne vous ai pas dit qu'entre temps j'étais rentré à l'hôtel pour dire aux deux affreux que moi je pouvais avoir de la came mais que eux pouvaient chercher jusqu'au fond du vieux port, quelqu'un avait fermé les robinets. Gérald ne discuta pas et me remit l'argent en me disant de faire gaffe à ne pas me faire rouler et le Parisien, au moment où je prenais la porte, se jeta sur moi pour me donner son cher argent.
         Je sors de l'hôtel, il est huit heures moins vingt-cinq à ma montre et je me mets en route pour être un peu en avance au rendez-vous. Soudain un taxi bleu vif arrive et se gare en tête de station ; d'un geste de la tête il me fait signe de monter et nous démarrons :
         «  Bonsoir Monsieur Pierre, vous êtes un ami de Madame C...  P......t, c'est elle qui m'envoie, vous êtes sous ma responsabilité, ne vous inquiétez pas, tout se passera bien »,  toujours avé l'acen.
          Je m'aperçois vite que ce gars est un chauffeur professionnel, un œil sur le rétroviseur et l'autre sur la pédale d'accélérateur. Sans cesse sur le qui vive, il me fait faire trois fois le tour du quartier et un aller retour sur la Canebière puis il rentre dans un quartier nommé Le Panier. Il se gare sur un petit terre-plein où des poubelles règnent en maîtres et nous attendons.
         Au bout d'une demi-heure une grosse moto arrive,  s'arrête au niveau de la portière du chauffeur et demande avec un accent à couper au couteau :
         « Combien a-t-il finalement ? ».
         Le chauffeur se retourne vers moi et me pose la question, je réponds :
         « Trente mille ».
          Il me dit :
         « Donnez-les-lui, ça ne craint rien, il sait de la part de qui vous venez et il a des instructions... ».
         Je lui tends l'argent qu'il ne compte même pas et démarre en disant : « Attendez-moi, une demi-heure maximum ».
         Une longue attente commence, le chauffeur me rassure :
         « T'inquiète pas jeune homme, il sait ce qui lui arriverait s'il faisait une entourloupe ».
         Et il allume la radio ; je lui demande si je peux allumer une cigarette, ce que je fais avec son accord. Il essaye de faire la conversation, mais je n'ai vraiment pas envie de faire la causette, je me mets à réfléchir. Comment ai-je fait pour me retrouver dans ce drôle de roman policier ?
        En vrai j'ai tout fait pour, mais la vie m'y a bien aidé, bien qu'on ait toujours le droit de dire non, mais je suis d'un naturel tellement curieux...

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